L'Étrange histoire de Benjamin Button
Réalisé par David Fincher
2009
Synopsis
Abandonné à sa naissance en 1918 parce qu'il ressemble à un horrible vieillard, Benjamin Button est recueilli par la propriétaire d'un hospice de la Nouvelle-Orléans. Celle-ci l'élève et constate, au fil des ans, qu'il rajeunit...
Quand David Fincher, réalisateur fascinant et mystérieux, vache sacrée du cinéma américain, auteur d'oeuvres cultes comme
Seven,
The Game,
Panic Room ou
Zodiac, retrouve Brad Pitt, acteur prolifique qu'il avait déjà dirigé dans le mythique
Fight Club, on s'attend de droit à un film prometteur.
Mais on se rend alors compte qu'on était loin du compte, car
l'Etrange Histoire de Benjamin Button (adaptation efficace et enrichie d'une nouvelle de F. Scott Fitzgerald datant de 1921) est une œuvre pour le moins surprenante. Moins percutante, plus sobre, l'histoire est à mille lieues de ce que le réalisateur nous concocte d'habitude. Mais cela n'affecte en rien la qualité du film. On sent que Fincher a atteint la maturité. Ici, il raconte l'histoire extraordinaire d'un homme qui rajeunit, pour qui la vie est à l'envers, et qui rencontre l'amour de sa vie – un amour qui dépassera les apparences, la fatalité et la mort.
Se débarrassant de tout artifice, Fincher adopte une mise en scène discrète, des effets spéciaux et une photographie hachurée savamment placés, aux bons endroits. La musique d'Alexandre Desplat (
La jeune fille à la perle), mélodique sans être larmoyante, se conjugue aux morceaux de jazz, aux airs classiques, au rock'n roll et aux tubes des 70's d'une façon presque alchimique.
Comme le
Forrest Gump de Robert Zemeckis dix-sept ans auparavant (au scenario rédigé par un certain Eric Roth),
The Curious Case of Benjamin Button nous montre différentes facettes de l'Amérique, de 1918 à nos jours. Une exploration de son histoire, à travers un destin hors du commun. Une célébration de la différence, à travers un héros rejeté par tous qui finit par se démarquer et par trouver sa voie. Pas mal d'humour aussi (la foudre ^^), qui vient à chaque fois à point nommé après des scènes tristes ou poignantes. Mais la comparaison s'arrête là, car si Benjamin et Forrest affectent toutes les personnes qu'ils rencontrent, Benjamin ne se laisse pas porter par les événements comme Forrest, mais agit, sans cesse.
Si l’esthétique (décors, photographie, costumes d'époque) est sublime au point de faire penser à de véritables tableaux vivants, l’émotion est également au rendez-vous grâce aux performances des acteurs. Brad Pitt, dans le rôle ultime de sa carrière, parvient à aller au delà des maquillages et des trucages numériques afin de composer un personnage à la fois candide et avide de vivre, de manière subtile et poignante. Durant presque trois bonnes heures, le film peut sembler long, mais on ne voit vraiment pas le temps passer, preuve du talent du scénariste Eric Roth (
The Insider,
Munich et surtout
Forrest Gump) et de David Fincher, excellents conteurs.
Dans Benjamin Button, on retrouve un thème cher au réalisateur, développé notamment dans Fight Club, le "carpe diem". Le temps passe, à l'envers pour Benjamin, à l'endroit pour le reste du monde, mais il passe, et la fin est la même pour tous. C'est ce qui sépare la naissance de la mort que nous pouvons modeler à notre guise, au fil des instants de joie ou de malheur. Comme le répète Benjamin : « On ne sait jamais ce que la vie vous réserve ».
Evidemment, Fincher parle aussi d'amour, un sentiment universel, éternel, sans jamais sortir les violons. Une romance sans trace de mièvrerie, poignante, tragique, entre un Brad Pitt au sommet de son art et une Cate Blanchett gracieuse et toute en retenue. Un film moins "coup de poing" que Fight Club, mais plus sobre, plus profond, amenant à réflechir sur le poids et le passage du temps, ainsi que sur les occasions qu'il faut saisir (ou non) lorsqu'elles se présentent. Réalisation somptueuse, Benjamin Button est un voyage hypnotique dans le temps dont les effets spéciaux n'enlèvent rien aux émotions qui nous submergent tout au long du film. Et oui, il faut croire que David Fincher n'a pas fini de nous surprendre.