samedi 10 mai 2008

Stand By Me

Je vous présente un superbe film de 1986 adapté d'un chef d'oeuvre de Stephen King. Plus précisément de la nouvelle Le Corps (tiré du recueil Différentes saisons, qui comprend également Les Evadés et Un Elève doué).



Un type sur allociné décrit le film ainsi :
" Stand By Me est certainement un des films le plus réussi sur la période de préadolescence. celle ou nos glandes ne travaillent pas encore à plein régime et ou on préfère braver tous les dangers avec les copains. et oui, ce film s'adresse à tous les nostalgiques de cette époque (ce temps ou il nous reste suffisamment d'innocence pour ne pas trop penser à notre avenir). pouvoir replonger pendant 1h30 à cette époque qu'est ce que c'est bien mais qu'est ce que c'est court. "


Tandis que sortaient deux films typiquement 80's ayant pour héros de jeunes adolescents pré-pubères lancés dans des aventures plus grandes que nature (Explorers et Les Goonies), Stand by me, pourtant signé de la main du maître de l'horreur, se situe dans un univers dénué de tout élément fantastique. Tout en reprenant le thème du parcours initiatique, articulé ici autour de la quête d'un cadavre infantile, Stephen King nous emmène, loin des péripéties des films de Dante et Donner, à la fin des années 50, dans son propre passé.

Synopsis :
" 1959. C’était déjà la fin de l’été. Castle Rock, petite bourgade perdue dans le fin fond de l’Amérique, dormait paisiblement dans le silence ensoleillé. Pourtant, l’on ne parlait que d’une seule chose. Ray Brower avait mystérieusement disparu. Parti pour la journée dans la grande forêt aux abords de la ville, le gamin n’était jamais revenu. En ce temps là, Ben E. King chantait Stand by me.

En ce temps-là, il suffisait d’une disparition pour que les esprits s’échauffent. Et Vern Tessio savait où se trouvait Ray Brower. Mort au plus profond de la forêt, près de la voie ferrée, heurté par un tram. Gardie Lachance, Chris Chambers et Teddy Duchamp, inséparables camarades décidèrent, malgré les protestations de Vern, de partir à la recherche du corps. Ils avaient tous les quatre treize ans. C’était déjà la fin de l’été..."




Porter Stephen King à l’écran ne s’avère pas une entreprise aussi aisée qu’il semble l’être, malgré les facilités visuelles qu’offrent chaque roman du prolifique écrivain. Ainsi nombre de producteurs et de réalisateurs se sont fourvoyés, incapables de comprendre cette subtile et si inquiétante approche de l’horreur du quotidien, et très peu d’adaptations cinématographiques possèdent la puissance évocatrice à laquelle nous a habitués le maître de l’épouvante. Si Carrie, de Brian de Palma, fut le chef-d’œuvre que l’on sait, c’est parce que le scénario s’éloignait du texte original. Salems Lot de Tobe Hooper, piètre adaptation, fut distribuée en France dans une version mutilée ; The Shining de Kubrick, étouffait sous la trop grande personnalité du metteur en scène ; Cujo de Lewis Teague ne séduisit pas les foules par son traitement trop sobre. Ne demeurent présents à nos esprits que Carrie, The Dead Zone de David Cronenberg, et les deux adaptations géniales de Franck Darabond : Les Evadés (Shawshanks Redemption) et La Ligne Verte (The Green Mile). Le sujet de The Body était difficile - la simple aventure de quatre adolescents à la recherche d’un cadavre - et respecter l’atmosphère nostalgique du récit pouvait se révéler périlleux.



Il est impossible de voir autre chose qu'un récit autobiographique dans cette adaptation de la nouvelle Le Corps, tant le personnage principal, Gordie Lachance, apparaît comme l'alter ego de l'auteur. Narré en voix-off par un écrivain en pleine rédaction de ces mêmes souvenirs, l'histoire transpire le vécu. Gordie a grandi dans l'ombre d'un grand frère auréolé de succès sportifs, fils préféré des parents, aujourd'hui décédé, et ne trouve refuge qu'auprès de trois amis, avec qui il partagera ce voyage. Ensemble, ils font face aux brutes plus âgées (qui feront office de nemesis lors du dénouement), aux réputations à la peau dure (celle de voyou pour l'un, d'un père dérangé pour l'autre) et c'est sur eux que Gordie essaie son talent d'écriture. Se focalisant sur l'amitié qui lie les compagnons, Stand by me livre notamment les clés concernant les personnages de King, et présente une alternative juvénile du protagoniste écrivain.

Stand by Me suscite de nombreuses émotions diffuses, comme un livre d’images que l’on feuilletterait, à la quête de visages disparus. Stephen King à la poursuite de son enfance se fait tendre, nostalgique, pessimiste parfois. Les quatre protagonistes - prototypes idéaux de tous les copains d’enfance (l’intello le chef de bande, le casse-cou et le petit gros) sous le couvert du jeu, de l’exploit, découvrent la triste réalité de la mort, la fragilité de la chair, tandis que King évoquant son adolescence, fuit peut-être devant elle.

Rob Reiner, chargé de la mise en scène, construit par petites touches successives une œuvre sensible, romantique, peuplée de regrets et de souvenirs, préférant éluder l’aspect macabre du roman afin que subsiste l’émotion, celle du vécu qui disparaît atteint l’âge adulte. Acteur chevronné avant d’être metteur en scène, il maîtrise entièrement la narration et dirige ses jeunes acteurs avec le savoir-faire qui fait défaut à certains. Wil Weaton, River Phoenix, Corey Feldman ("Bagou" dans Les Goonies) et Jerry O’Connel forment un quatuor de choc, et affronteront le dangereux voyou Ace Merrill incarné par Kiefer Sutherland (fils de Donald Sutherland - unanimement connu dans son rôle de Jack Bauer dans 24). La justesse de l’interprétation semble l’atout le plus important du film.

Stand by Me, petit chef d’œuvre dédié à l’enfance et à l'amitié, tient ses promesses. Par delà un curieux retour au classicisme cinématographique, Reiner innove peu, délaissant l’effet, le style, l’image au profit de l’histoire, La mise en scène s’efface devant le conte cruel, pour mettre en exergue les moments exceptionnels de cette aventure à la fois ordinaire et peu ordinaire.

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