samedi 29 novembre 2008

Mesrine, l'ennemi public n°1


Deuxième partie d'un dyptique consacré au gangster Jacques Mesrine, "L'ennemi public numéro 1" commence peu après l'arrestation du bandit à son retour du Québec, par la police française. D'évasions en braquages, on suit de plus belle le quotidien de Mesrine, et sa lente descente en enfer. La violence monte crescendo. Les faits d'armes aussi. Cette dernière semaine, le film réalisé par Jean-François Richet a attiré plus de 740 000 spectateurs dans les salles obscures. Un succès indéniable.
On pourra reprocher à ce second volet de donner à Mesrine des allures de martyre, ne serais ce qu'en pensant aux dernières minutes qui montrent sa mort comme une vraie "exécution", ou en regardant l'affiche du film. Mais ce serait oublier tous les faits horribles perpétrés par le gangster pendant les deux parties du dyptique, de l'enlevement de vieillards au presque assassinat d'un journaliste. On ne nous montre pas un Mesrine tout blanc, bien au contraire. On nous le montre tel quel, avec son côté séduisant (bon vivant, sympa) et son côté sombre, caché, cruel, où il s'avère être d'une extrême violence, pour ne pas dire sauvagerie.

Après un premier volet (L'instinct de mort) qui ne nous laissait pas le temps de souffler, à l'image de l'evasion du pénitencier québecois, cette deuxième partie est plus pondérée, lente, comme une marche vers la mort. Cette fois, même si les scènes continuent à s'enchaîner un peu trop rapidement, on a le temps d'explorer le côté "robin des bois", politique, du personnage. Qu'est-ce qui le pousse à agir ainsi ? C'est un film tout à fait différent du premier. Cette fois, on est plongé dans les années 70, et non plus à la "belle époque" des années 50-60. On sent que l'atmosphère est chargée de plomb, "moche". On assiste aux dernières années du célèbre criminel, de 1972 à sa mort sous les balles de la police, porte de Clignancourt (Paris), le 2 novembre 1979.

Loin d'être une ôde à Mesrine, le dyptique de Richet montre, à travers le gangster, le monde qui l'entoure. Jacques Mesrine est ainsi le reflet de sa société, sur le mode criminel. Quand Mesrine monte en violence, on peut voir la police devenir de plus en plus étouffante. Mention à Vincent Cassel qui a accompli un exploit de métamorphose en prenant plus de 20 kg, à l'instar de Robert de Niro dans "Raging Bull", et qui joue un Mesrine bedonnant et fatigué, qui n'échappera pas aux ailes vengeresses du destin. Un destin qui le rattrapera, pour montrer qu'une vie basée sur le crime et la violence ne conduit qu'à sa propre mort.

vendredi 28 novembre 2008

La Petite Fille qui aimait Tom Gordon

C’est exprès que Trisha s’est laissée distancer par sa mère et son frère, au cours d’une excursion sur la piste des Appalaches, lassée de leurs disputes. Ce qu’elle n’imaginait pas, c’est que quelques minutes plus tard elle serait perdue dans les bois. Qu’elle affronterait le froid, la faim, la nuit. Il lui reste son baladeur, sur lequel elle peut suivre les exploits de son idole, Tom Gordon, le joueur de base-ball. Le seul qui peut l’aider, la sauver.

Très bonne exploration des recoins cachés de la volonté, à travers l'histoire d'une petite fille perdue dans les bois, qui marchera pendant une semaine entière... mangera et boira ce qu'elle pourra, découvrira l'instinct de survie et en sortira grandie. Une belle exploration aussi de ses angoisses, de ses peurs refoulées. Bref un très très bon livre. Du grand King, comme d'habitude.

Une histoire assez loin de ce qu'on a l'habitude de lire avec lui, et c'est ce qui fait la classe de cet écrivain : il ne se limite pas à l'horreur, il explore tout, souvent à partir d'histoires toutes simples, de l'univers carcéral (Shawshanks redemption, La ligne verte) à l'adolescence (Le corps), et souvent, la psychologie de personnages plongés dans des situations assez singulières (Jessie). Ici, une fillette se perd dans les bois et on est alors plongé dans les méandres de ses pensées, dans ses espoirs, ses hallucinations, son imagination, et comme elle on ressort de cette expérience changé.

"La petite fille qui aimait Tom Gordon", c'est une version moderne du petit chaperon rouge, une version psychologique, un huit clos dans les bois, une lutte pour la survie, contre les peurs enfantines et/ou enfouies, un voyage initiatique.

jeudi 13 novembre 2008

La vérité

"Après avoir créé l'Univers,
les dieux se demandèrent
où dissimuler la Vérité.
Sur la plus haute montagne ?
Tout au fond des mers ?
Sur la face cachée de la Lune ?
Finalement, ils se dirent :
"Cachons-la dans
le coeur de l'homme.
Il la cherchera partout
sans se douter qu'elle se trouve
au plus profond de lui-même".

(Vieille légende hindoue)

lundi 3 novembre 2008

Apprivoisé



C'est alors qu'apparut le renard :

"Bonjour", dit le renard.
"Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. Je suis tellement triste"...
"Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé".
"Qu'est-ce que signifie "apprivoiser" ?"
"C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ca signifie créer des liens..."
"Bien sûr, tu n'es pas encore pour moi qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas besoin de moi non plus. Mais, si tu m'apprivoises, nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde..."

(...)

"Si tu m'apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sur terre. Le tien m'appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde! Tu vois là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or. Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé ! Le blé qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai le bruit du vent dans le blé..."

(...)

Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand l'heure de départ fut proche :

"Ah ! dit le renard. Je pleurerai."
"C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise..."
"Bien sûr", dit le renard.
"Mais tu vas pleurer !", dit le petit prince.
"Bien sûr", dit le renard.
"Mais alors, tu n'y gagne rien", dit le petit prince.
"J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé".

Puis il ajouta : "Va revoir les roses. Tu comprendras. Tu comprendras que la tienne est unique au monde".

Le petit prince s'en fut revoir les roses :

"Vous n'êtes pas du tout semblables à ma rose, vous n'êtes rien encore, leur dit-il. Personne ne vous a apprivoisées. Vous êtes comme était mon renard. Ce n'était qu'un renard semblable à cent mille autres. Mais, j'en ai fait mon ami, et il est maintenant unique au monde".
"Vous êtes belles, mais vous êtes vides, dit-il encore. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sûr, ma rose à moi, un passant ordinaire croirait qu'elle vous ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c'est elle que j'ai arrosée. Puisque c'est ma rose."

Et il revient vers le renard :
"Adieu", dit-il...
"Adieu", dit le renard.

"Voici mon secret. Il est très simple : on ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est invisible pour les yeux."

"C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante. Les hommes ont oublié cette vérité. Tu ne dois pas l'oublier. Tu est responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable de ta rose."

dimanche 2 novembre 2008

Oser vivre ses rêves

Encore un petit texte écrit par moi-même dans le cadre d'un cours d'écriture.


Oser vivre ses rêves


La porte s'ouvre en grinçant. Je parcours le bistrot du regard. Au fond, un serveur passe un coup de balai. Derrière le comptoir, le barman nettoie les verres. Je jette un rapide coup d'oeil à ma montre. Il est 21h30. Je m'avance vers le comptoir. Le barman lève les yeux et me sourit. Je fouille dans mes poches, et sors un billet de cinq euros.

« Bonsoir, Joël
- Bonsoir David. De passage ?
- Oui... »

Je sirote ma bière, plongé dans mes pensées. Pourquoi suis-je allé à Boulogne-sur-Mer ? J'ai agi sur un coup de tête. Je voulais voir la mer. Mais même le bruit des vagues se cassant sur le sable n'arrive pas à me consoler. Me consoler de quoi ? De la mort de Camille. Ma femme. Elle me manque. J'aimerais la revoir, rien qu'une fois. Lui dire que je l'aime et que tout est ma faute.

« Une autre bière, s'il te plaît. »

Un voile blanc passe devant mes yeux. Je me sens mieux, apaisé. Je bois ma bière cul-sec. Je regarde Joël et lui sourit. Je suis de bonne humeur.

« Comment vont les affaires ?
- Pas mal... »

Joël a l'air la tête ailleurs. Je me demande bien ce qui le tracasse. Je n'insiste pas et commande une vodka.

« Tu ne penses pas que tu as assez bu ? », me demande Joël.

Je ris. Joël soupire, et pose le verre sur le comptoir. Je sais ce qu'il pense. Que je bois trop. Que je suis accroc. Mais boire un verre ne me tuera pas...


***


Ce soir je suis allé dans un café. J'ai rencontré un habitué des lieux. Il parlait tout seul et apostrophait parfois le barman, qui ne répondait pas et se contentait d'essuyer ses verres. Je me suis approché et j'ai commandé un café.

L'homme – ivre – m'a regardé, désireux de discuter. Il m'a confié ce qu'il avait sur le coeur. Une femme morte d'un cancer. Un travail fatiguant. Une vie sans intérêt. Le chagrin et la peur noyés dans l'alcool.

Parfois il arrive que nous ne soyons pas satisfaits de nos vies, que nous ayons des rêves et que ceux-ci demeurent inaccessibles. S'offrent alors à nous plusieurs options, plusieurs chemins.

Le premier chemin est le plus facile : se résigner et ne pas agir. Continuer à mener une vie banale mais sûre. Ceux qui empruntent cette voie ont peur de l'imprévu et se sentent en sécurité quand ils respectent les règles édictées par la société : se marier, avoir des enfants, une maison, un chien. Ils ne cherchent pas à se révolter contre l'ordre social établi et à vivre leurs rêves, par peur de l'inconnu. Ceux qui ne craignent pas l'aventure suivent un autre chemin. Ils décident de prendre leur vie en main et de réaliser leur rêves. Délibérément, ils ne respectent pas les règles. Ainsi peuvent-ils être vraiment heureux. Ceux qui craignent l'inconnu mais qui ne supportent pas les règles établies se retrouvent pris au piège. Ils essaient de se donner du courage, pour affronter une existence dénuée d'intérêt.

Certains se cherchent des excuses pour ne pas agir, même s'ils ont des rêves secrets : leurs enfants, leur famille... D'autres ont recours à des palliatifs qui jouent le rôle d'antidépresseurs, comme les drogues ou l'alcool. Un moyen d'oublier un temps son quotidien, de s'évader. De trouver du courage au coeur de l'ivresse. Mais l'alcool est-il vraiment un remède ? Certes, il nous rend euphorique. Pendant quelques instants, nous nous sentons vivants. Mais une fois ses effets dissipés, encore plus dure est la chute vers la réalité, amère, froide. Se réfugier dans un autre univers, que ce soit par l'alcool, la drogue voire les jeux vidéos, ne rend heureux qu'un temps. Cela ne reste qu'une illusion bien éphémère. Revenus à la dure réalité, nous sommes tentés de reprendre un verre, de fumer un autre joint ou de retourner dans le monde virtuel. Nous tombons dans une spirale infernale : celle de la dépendance. A défaut d'être libre, nous nous retrouvons encore plus prisonnier.

Je me suis trouvé à la croisée de ces chemins moi aussi, et j'ai pris la direction opposée. J'ai tout quitté – mon emploi de banquier, mon appartement - pour refaire ma vie. J'ai pris l'avion. Je suis parti. J'ai vécu deux ans aux États-Unis. Je changeais sans cesse de lieu et de travail. En rentrant en France, j'ai publié un livre sur mon expérience, bourré de photographies accumulées au cours de mon périple. Je suis maintenant écrivain. Et jamais de ma vie je ne me suis senti aussi libre. J'ai réalisé mes rêves car je me suis rebellé. J'ai trouvé le courage de me rebeller car j'ai gardé espoir. Ceux qui n'ont plus espoir ont peur de l'inconnu. Ils sombrent, la plupart du temps, dans les artifices que sont l'alcool et les drogues.

J'ai expliqué tout cela à l'homme assis à côté de moi. Le barman lui aussi m'a écouté, un torchon dans la main. Quand je me suis levé pour payer mon café, l'homme, David, a insisté pour me l'offrir. Je pense que je l'ai convaincu de garder espoir. Du moins je l'espère. Il m'a serré la main. J'ai souri et je suis rentré chez moi. Heureux et libre. Si la peur peut vous rendre prisonnier, l'espoir peut vous délivrer.